• Proche-Orient.info
    5 juillet 2006 / 16 h 06
    La mode du « Happy Slapping » (Frapper dans la joie)
    En Allemagne, comme dans d'autres pays d'Europe : quand le téléphone portable sert à diffuser des images de violences et de viols
    Par Elif Kayi 




    La plupart des auteurs des faits ont, en général, entre 13 et 15 ans.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>   Sur l'écran, on distingue une jeune fille, poussée derrière un buisson par un groupe de jeunes garçons. L'un d'entre eux la frappe violemment à la tête et elle se retrouve à terre. Tous les garçons commencent alors à la rouer de coups, l'un après l'autre. Au départ, la victime tente de se défendre et crie à l'aide. Puis, elle finit par se taire et encaisse les coups. Avant que l'image ne disparaisse, on peut encore voir les garçons uriner sur la jeune fille.
    La scène se passe dans un parc de Berlin et circule depuis d'un portable à l'autre. Les auteurs des coups, tous âgés de 13 à 15 ans, ont été renvoyés de leurs écoles et une enquête est en cours.
       Le « Happy Slapping » - « Frapper dans la joie » - est arrivé en Allemagne il y a quatre ans et est en train de s'imposer dans les quartiers sensibles des grandes villes, comme dans d'autres pays d'Europe d'ailleurs dont la France auprès des jeunes issus de l'immigration.
    Munis de leurs portables, des groupes écument les rues de leurs quartiers à la recherche de nouveaux éléments pour leurs films : un sans-abri auquel on détruit le nez d'un coup de pied, un combat de rue durant lequel on s'acharne sur une victime déjà à terre, une jeune fille rouée de coups, des scènes de pornographie, des animaux torturés.
    La victime est abordée sous un prétexte quelconque. On lui demande l'heure ou du feu et l'on tente d'engager la conversation avec elle. Si elle se prend au jeu et répond, elle reçoit de manière soudaine un violent coup de poing en pleine figure, et d'autres coups suivent encore jusqu'à ce qu'elle se retrouve à terre. Pour les scènes « spéciales » - violences avec objet, viols... - la victime est entraînée à l'abri des regards : garages sous-terrain, terrains vagues, squats.
       Le portable sert aussi à dénoncer un ennemi ou à le faire chanter. En effet, en quelques minutes seulement, une photo peut être diffusée et un visage reconnu par des centaines de jeunes qui, même s'ils ne connaissent pas directement la personne, n'hésiteront pas à l'attaquer s'ils la croisent.
       Les violences sexuelles et les viols se font aussi de plus en plus fréquents. À Berlin, il y a quelques mois, les images d'une jeune fille, forcée de se masturber devant la caméra d'un portable, ont circulé. Le plus âgé des auteurs du crime n'avait que 13 ans ! Et comme l'explique un éducateur d'un quartier sensible, les filles turques ou arabes sont moins visées car, issues de familles musulmanes, elles sont sensées inspirer un certain respect.
       Ce n'est cependant pas toujours le cas. Certains jeunes tendent des pièges à leurs « copines ». C'est ce qui est arrivé à Emine, 17 ans. Sous prétexte de vouloir discuter de leur relation, son ami l'entraîne dans un sous-sol désaffecté. Là, un autre ami les attend... avec son portable. Devant la caméra, l'ami d'Emine la frappe de manière si violente qu'elle se retrouve au sol et perd connaissance. Les images qui ont circulé suffisent à montrer qu'elle est effectivement victime. Mais non ! C'est elle qui a suivi le garçon au sous-sol. Elle est donc une « salope », comme dit Mohammed, 15 ans.
       Comment les jeunes filles peuvent-elles se protéger de ce type d'agressions ? Ayse, 16 ans, explique : « Tout ce qu'on peut faire, c'est protéger sa réputation. Ne jamais être vue en public main dans la main avec un garçon. Une fille qui a été filmée touchée par des garçons - même s'ils la battent -, doit disparaître de la vie publique et rester à la maison. À cause de sa famille et de l'honneur ».


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  • Proche-Orient.info
    19 avril 2006 / 11 h 37
    Reportage
    Allemagne : à Berlin, dans la rue et dans les écoles de quartiers défavorisés, des jeunes issus de l'immigration adoptent la violence comme carte d'identité sociale. Un phénomène analogue à celui qui sévit en France
    Par Elif Kayi 




       La scène se passe dans un garage souterrain. Un jeune, les yeux bandés, muni d'une batte de base-ball, frappe au hasard un autre jeune, assis sur une chaise, et dont la tête est couverte d'une poubelle en métal. Il frappe jusqu'à ce que la victime ensanglantée tombe à terre, inconsciente. Pendant ce temps, un complice filme la scène à l'aide de son téléphone portable. La victime, Michael, vient d'emménager avec sa mère à Neukölln (un quartier du sud-est de Berlin, à majorité immigrée). Dès son arrivée, il s'est fait prendre en grippe et racketter par Cemal, le chef d'un gang de son école.

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       La scène est tirée du nouveau film de Detlev Buck, « Knallhart » (super dur), présenté au « Festival de la Berlinale » en février et sur les écrans allemands depuis quelques semaines. Dès sa sortie, il a déclenché une vive polémique, notamment entre le maire de Neukölln, Heinz Buschowsky, et Özcan Mutlu du parti des Verts : selon Buschowsky, ce qui est montré dans le film est authentique et témoigne de la profonde déchéance de son quartier. Selon Mutlu, lorsqu'on veut peindre tout en noir, tout finit par être noir, et c'est pour cela qu'il faut encourager une « culture de l'accueil » (« Tagesspiegel », du 9 février 2006).
       13,4 % des Berlinois sont d'origine étrangère, chiffre qui, comparé aux autres grandes villes allemandes, reste relativement faible. Trois quartiers dépassent cependant largement cette moyenne : Mitte (25,5 %), Friedrichshain-Kreuzberg (23,1 %) et Neukölln (23,1%). En 2004, dernières statistiques dont on dispose, un immigré sur cinq était d'origine turque. Et, selon le responsable du département de la délinquance juvénile du commissariat de Neukölln, la plupart des jeunes vivant ici sont issus de familles nombreuses qui s'entassent dans des appartements minuscules. Les filles doivent rentrer à la maison immédiatement après les cours tandis que « la rue appartient » aux garçons. Un quartier où le chômage tourne autour de 25% pour atteindre 40% et plus chez les jeunes. Très fréquemment, les parents ne maîtrisent pas l'allemand.
    <v:shape id=_x0000_s1026 alt=" " type="#_x0000_t75" o:allowoverlap="f"><v:imagedata src="file:///C:\DOKUME~1\ADMINI~1\LOKALE~1\Temp\msohtml1\01\clip_image002.jpg" o:title="art45298-2"></v:imagedata><?xml:namespace prefix = w ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:word" /><w:wrap type="square"></w:wrap></v:shape>De plus, le commissaire de Neukölln constate, toujours chez les jeunes, une nette augmentation de la consommation d'un médicament anti-douleur, la Tilidin, laquelle décuple l'agressivité : « On doit se faire respecter, explique un jeune, mais c'est dur. Quand tu veux être connu dans le coin, tu dois faire des efforts pour que ton nom soit connu ». Sur quoi un autre enchaîne : « Pour imposer le respect, on ne doit pas hésiter à utiliser un couteau ». Pour Oliver Lück, directeur du Centre Anti-Violence Berlin/Brandenbourg, 90 à 95 % des Hauptschule de Berlin [Ndlr : après l'école primaire, le système scolaire allemand est divisé en trois types d'écoles, les Hauptschule offrant le niveau d'éducation le plus faible] sont confrontées à des problèmes de violence La plupart ont dans leur entourage amis, cousins ou connaissances qui séjourné ou sont en prison pour trafic de drogue, vols, agressions, etc...
       À ces violences, s'ajoute comme partout en Allemagne, un antisémitisme souvent impulsé par les groupes islamistes qui opèrent dans des mosquées et centres culturels. Il est particulièrement virulent chez les jeunes gens issus de familles libanaises et palestiniennes. Et, globalement, parmi toutes les populations originaires du Moyen-Orient, même s'il est moins marqué parmi les jeunes d'origine turque. Cela dit, ces derniers sont extrêmement influencés par les plus actifs et finissent par adopter le même langage et les mêmes codes. Le mot « juif » est une insulte courante dans les cours d'écoles.
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    À l'école, les délinquants servent d'exemple

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       Le 28 février dernier, les enseignants d'une école de Neukölln, la Rütli-Oberschule, envoyaient une lettre au sénateur à l'Éducation de Berlin : « Le pourcentage des jeunes d'origine étrangère est de 83,2 % (...) On doit constater que l'ambiance de nos classes est chargée d'agressivité, de non-respect et d'ignorance à l'égard des adultes (...) Certains collègues viennent dans certaines classes uniquement avec leurs portables pour pouvoir appeler à l'aide en cas de besoin. Nous sommes consternés (...) Les délinquants servent d'exemple. Il n'y a pas à l'école d'exemple positif pour eux [Ndlr : les élèves]. Ils sont entre eux et ne connaissent pas de jeunes qui vivent différemment. La Hauptschule les isole, ils se sentent exclus et réagissent en conséquence. »
       Cet appel, publié dans la presse allemande fin mars, a déclenché un vif débat sur la politique d'intégration dans le pays. La ministre de l'Éducation nationale, Maria Böhmer (CDU) se demande « s'il n'y a pas des élèves qu'on ne peut plus garder ». Le ministre de l'Intérieur du Brandenbourg, Schönbohm (CDU), souhaite que le pourcentage des élèves d'origine étrangère soit limité à 50 % par classe. Pour le ministre bavarois, Edmund Stoiber (CSU), les familles étrangères refusant de s'intégrer doivent tout d'abord se voir retirer les aides sociales. Le candidat à la mairie de Berlin, Friedrich Pflüger (CDU) estime quant à lui qu'il faut recourir si nécessaire à la présence policière dans les écoles et que, « comme à New York, il faut installer des détecteurs de métaux » à l'entrée des établissements.
    Tous ne soutiennent cependant pas des mesures aussi extrêmes : la ministre de la Famille, Von der Leyen (CDU), pense qu'il est avant tout important que tous les enfants aient accès aux crèches et maternelles : « Une intégration précoce est la seule manière de briser les murs entre les différentes communautés ». Volker Beck, du parti des Verts, rejette la proposition de la CDU : « Ce sont les enfants de ce pays ».

    « Le club des prostituées »

    Depuis l'entrée en vigueur en janvier 2005 de la nouvelle loi sur l'immigration, un dispositif minimal de cours sur l'intégration a été mis en place pour les nouveaux arrivants en Allemagne. On y apprend par exemple comment se nomment les Länder de l'ex-Allemagne de l'Est, combien de pays compte l'Union européenne, ou encore ce qui s'est passé en novembre 1989. Ont-elles une efficaité ? Selon Güner Yasemin Balci, éducatrice, les jeunes ont depuis longtemps établi leur propre système de conduite. Il s'agit de la loi du plus fort contre celle du plus faible, les filles étant soit des « Schlampe » (prostituées) soit intouchables et les enseignants les victimes ou les ennemis, rarement des modèles. G.Y. Balci s'engage aussi depuis plusieurs années auprès d'une maison de quartier pour jeunes filles de Neukölln, "MaDonna Mädchenkult.Ur eV". Agées de 8 à 21 ans, elles peuvent venir pour discuter, cuisiner, boire le thé, faire leurs devoirs... Les éducatrices du centre ont lancé l'année dernière une campagne d'information contre les mariages forcés et les crimes d'honneur, à l'aide de cartes postales distribuées partout dans Berlin et en Allemagne. Sur l'une d'elles, figurent deux jeunes garçons et deux jeunes filles et l'on peut lire : « L'honneur, c'est lutter pour la liberté de ma sœur ». Le centre a plutôt mauvaise réputation auprès des jeunes garçons du quartier et se voit souvent taxé de « club de prostituées »...


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